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Droit de vote et éligibilité des ressortissants communautaires

Les élections municipales constituent un précieux indicateur pour mesurer le degré d’implication des ressortissants communautaires dans la vie locale française. En ce domaine, la loi leur reconnaît, sous l’influence du droit communautaire, les droits de vote et d’éligibilité. Que prévoient les textes ? Comment les Européens résidant en France les mettent-ils à profit ? Décryptage.

 

 

Un dispositif d’origine communautaire…

 

Si la question du droit de vote des ressortissants communautaires aux élections municipales est abordée dès le Sommet de Paris en 1974 avant d’être mise de côté, elle ne refait surface que le 7 octobre 1986 avec la publication par le Parlement européen d’un rapport intitulé Droit de vote aux élections municipales des citoyens des Etats membres de la Communauté. A l’époque, ce rapport pointe du doigt un paradoxe : Comment consacrer le droit de circuler librement dans la communauté économique européenne tout en refusant aux ressortissants communautaires travaillant dans un autre pays de la communauté de voter dans leur commune de résidence ? Fort de cet argument, le Parlement européen demande alors à la Commission européenne d’adopter une proposition de texte en ce sens. En juin 1988, c’est finalement le Conseil qui élabore un premier projet de directive.

 

Il faudra en réalité attendre le Traité de Maastricht du 7 février 1992 pour que soient formellement reconnus les droits de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les ressortissants communautaires dans l’Etat où ils résident (1). Depuis, la portée de ce principe a été précisée par plusieurs directives européennes (2).

 

En 1992, le Traité de Maastricht instaure le principe du droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires aux élections municipales.


Aujourd’hui, l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) reconnait explicitement aux citoyens de l’Union européenne « le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu’aux élections municipales dans l’Etat membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat ».


… transposé en droit français

 

La loi constitutionnelle du 25 juin 1992

 

La mise en conformité du droit français avec le droit communautaire nécessitant une modification de notre droit interne, une loi constitutionnelle du 25 juin 1992 vient introduire un nouvel article 88-3 dans notre Constitution disposant : « sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées déterminent les conditions d’application du présent article ».


La loi organique du 25 mai 1998

 

Sur la base de cette modification constitutionnelle, la loi organique n° 98- 404 du 25 mai 1998 vient à son tour modifier le Code électoral. Son article LO.228-1 précise les modalités pratiques de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité pour les ressortissants communautaires :

– avoir la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne ;

– avoir sa résidence dans l’Etat membre du lieu de vote ou de candidature ;

– jouir de sa capacité électorale dans son Etat d’origine ;

– remplir les mêmes conditions (autre que la nationalité) que les nationaux pour s’inscrire sur les listes électorales.


La France frileuse ?

 

Alors que la France transposait avec retard la directive du 14 décembre 1994, certains Etats membres de l’Union européenne avaient anticipé la reconnaissance des droits électifs des ressortissants communautaires. Ainsi, dès 1977, le Danemark accorde les droits politiques locaux aux ressortissants des Etats membres de l’Union nordique. En 1981, ces droits sont même étendus à tous les étrangers. En Irlande, dès 1979, les résidents communautaires participent aux scrutins parlementaires. A cette époque également, l’Italie accorde l’éligibilité aux ressortissants d’autres Etats de la Communauté. En 1983, les Pays-Bas, après révision de la Constitution, adoptent des dispositions analogues, de même que le Portugal et l’Espagne.


Ces Européens qui s’engagent

 

Drapeau du Portugal

En décembre 2014, l’Insee a publié une étude inédite consacrée à l’inscription des ressortissants européens sur les listes électorales en France (3). On y apprend qu’un peu moins d’un quart des Européens (23 %) vivant en France votent aux municipales, soit un peu moins de 278 000 personnes. Le taux d’inscription sur les listes électorales apparaît très variable en fonction des nationalités. Il dépasse ainsi les 40 % pour les Danois, les Belges et les Néerlandais. Cause de cet engouement démocratique ? La réponse semble à rechercher notamment du côté de facteurs culturels et juridiques. En effet, le droit de vote est obligatoire en Belgique et l’a également longtemps été aux Pays-Bas (jusqu’en 1970). A l’inverse, le taux d’inscription reste très faible s’agissant des Polonais (5,5 %), des Roumains (4,2 %) ou encore des Croates (1,7%).

 

Du côté des électeurs, les ressortissants communautaires les plus mobilisés proviennent de six principaux pays : le Portugal, l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Espagne et l’Allemagne. A lui seul, le Portugal représente le tiers des Européens votant en France aux élections municipales, avec plus de 85 000 inscrits sur les listes électorales.

 

A lui seul, le Portugal représente le tiers des Européens votant en France et près de la moitié des candidats européens aux municipales.

 

Plus intéressante encore est la question de l’investissement des ressortissants communautaires dans la vie élective locale. Depuis 2001, ils sont en effet de plus en plus nombreux à franchir un pas supplémentaire en se présentant aux élections municipales en France. Certes, avec 991 candidats recensés dans les communes de plus de 3500 habitants lors des municipales de 2001, 1 206 candidats lors des scrutins de 2008 et 1 644 candidats lors des municipales de mars 2014 dans les communes de plus de 1 000 habitants, les chiffres peuvent sembler encore bien modestes.

 

Reste que ces chiffres se situent bien en dessous de la réalité puisqu’ils ne tiennent compte que des communes dans lesquelles s’applique le scrutin de liste à la proportionnelle, autrement-dit celles de 3500 habitants (pour les scrutins de 2001 et 2008) et celles de 1000 habitants et plus (pour les municipales de 2014). Or, les communes d’une importance démographique inférieure à ces seuils représentent à l’heure actuelle près des trois quarts des communes françaises (72,24 %) (4).

 

Ainsi, selon le ministère de l’Intérieur, ce sont en réalité près de 6 000 ressortissants communautaires (5954 exactement) qui ont été candidats dans la totalité des communes françaises à l’occasion des municipales de 2014. On est bien loin des quelque 991 candidats officiellement recensés en 2001, première année de la mise en vigueur de l’éligibilité des Européens aux municipales.

 

En 2014, près de 6 000 ressortissants communautaires se sont présentés aux élections municipales en France.


Du côté des différentes nationalités venues enrichir nos débats démocratiques locaux, la palme de l’engagement politique revient là encore aux Portugais avec 752 candidats aux municipales de mars 2014. A eux seuls, ils représentent près de la moitié des candidats européens (45,7 %). Suivent les Belges (406 candidats), les Britanniques (389 candidats), les Allemands (263 candidats) et les Néerlandais (164 candidats).

 

 

En 2008, on recensait 1 157 ressortissants communautaires siégeant dans les conseils municipaux français. Si ce chiffre a sensiblement augmenté depuis les municipales de 2014, il demeure inférieur à 1 % de l’ensemble des élus communaux. Par ailleurs, il concerne bien les mandats de « simples » conseillers municipaux et non de fonctions exécutives puisque la loi ne leur reconnaît pas à l’heure actuelle le droit d’être maire ni adjoint ni même d’en exercer temporairement les fonctions (5).

 

Les conseils municipaux comptent aujourd’hui moins de 1% de ressortissants communautaires.


Dans un tel contexte, l’intégration des Européens dans la vie municipale française ne saurait que disposer de marges de progression prometteuses pour l’avenir. Rendez-vous en 2020 !


Christophe Robert

18 octobre 2017

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Notes

(1) Article B paragraphe 1 du Traité de Maastricht

(2) Directive 94/80 du Conseil du 14 décembre 1994, directive 96/30/CE pour tenir compte de l’adhésion des 10 nouveaux Etats membres, directive 2006/106/CE pour préciser les conditions d’application de ce droit au regard de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie…

(3) Les listes électorales françaises au 1er mars 2014 : zoom sur les citoyens européens, étude de l’Insee disponible sur le lien https://www.insee.fr/fr/statistiques/1379723

(4) Les collectivités locales en chiffres, Direction générale des collectivités locales (DGCL), 2017

(5) Réponse du ministre de l’Intérieur à la Question écrite n° 12051 de Gérard Le Cam, JO Sénat (Q) du 11 septembre 2014

 

1 commentaire pour “Droit de vote et éligibilité des ressortissants communautaires”

  1. Bonjour,

    Dans le cas d’un référendum d’initiative locale municipale, une commune peut-elle décider d’intégrer les citoyens EU parmi les électeurs invités au scrutin ?
    Et dans le cas d’un référendum décidant du devenir d’une collectivité (comme la fusion du Haut-Rhin et du Bas-Rhin à venir), serait-ce également possible ?

    J’ai cherché, mais sans succès pour le moment !

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