Les contrats « in house », également appelés marchés de prestations internes ou intégrées, désignent des contrats conclus entre deux personnes morales distinctes, mais dont l’une peut être regardée comme le prolongement administratif de l’autre. Leur particularité est de pouvoir déroger aux règles de mise en concurrence prévues par le Code des marchés publics.
Une collectivité territoriale peut conclure avec une autre personne morale un contrat de prestations intégrées (de fournitures, de travaux ou de services), qui ne sera pas soumis aux directives européennes sur les marchés publics, ni au Code des marchés publics. Cette possibilité constituant une dérogation aux règles générales de la commande publique, les conditions requises ont été strictement fixées par la jurisprudence et par le Code des marchés publics.
Une notion d’origine européenne
Avant d’être reprise par le Code des marchés publics, la notion de contrat « in house » est apparue avec la jurisprudence communautaire vers la fin des années 1990 (1), notamment dans un arrêt « Teckal » de la Cour de Justice des Communautés européenne (CJCE) en date du 18 novembre 1999. Par la suite, la jurisprudence européenne a été suivie par le Conseil d’Etat. Dans un arrêt « CAMIF » (2), la Haute Juridiction administrative a ainsi admis que certains marchés pouvaient être conclus hors des dispositions prévues par le Code des marchés publics.
En pratique, pour qu’un contrat puisse bénéficier de la qualification de « marché de prestations internes », la jurisprudence pose deux conditions cumulatives :
– en premier lieu, le contrôle effectué par la personne publique sur le cocontractant doit être de même nature que celui qu’elle exerce sur ses services propres (une simple relation de tutelle ne suffisant pas) ;
– en second lieu, le cocontractant doit travailler essentiellement pour la personne publique qu’il lui confie l’exécution du marché. Ainsi, la part des activités réalisées par le prestataire au profit d’autres clients doit demeurer marginale.
Consécration par le Code des marchés publics
Ce que prévoit le Code
Les dispositions relatives aux marchés de prestations internes figurent aujourd’hui à l’article 3-1e du Code des marchés publics, qui précise que ses dispositions ne sont pas applicables aux « marchés conclus entre un pouvoir adjudicateur et un cocontractant sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu’il exerce sur ses propres services et qui réalise l’essentiel de ses activités pour lui à condition que, même si ce cocontractant n’est pas un pouvoir adjudicateur, il applique, pour répondre à ses besoins propres, les règles de passation des marchés prévues par le présent code ou par l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ».
La prestation intégrée en pratique
A titre d’exemple, par le jeu des transferts de compétences, les communes peuvent transférer à une intercommunalité leur compétence dans divers domaines (urbanisme, ramassage et traitement des ordures ménagères…). Ainsi, la réalisation d’un marché public (travaux d’entretien de la voirie, par exemple) réalisé par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour le compte d’une commune membre de cet établissement peut bénéficier de la qualification de marché de prestations intégrées. A ce titre, l’opération n’est pas soumise aux procédures traditionnelles de passation des marchés publics (mise en concurrence par appel d’offres, publicité…).
Un marché public réalisé par un établissement public de coopération intercommunale pour le compte d’une de ses communes membres peut être considéré comme un contrat « in-house »
En revanche, la jurisprudence a considéré que l’attribution par une commune d’un marché à une société d’économie mixte (SEM) dont elle est membre ne saurait bénéficier d’une telle dérogation (3). De même, le juge communautaire a eu l’occasion d’indiquer qu’une collectivité publique ne pouvait pas attribuer sans mise en concurrence préalable, « une concession de services publics à une société par actions issue de la transformation d’une entreprise spéciale de cette autorité publique, société dont l’objet social a été élargi à de nouveaux domaines importants, dont le capital doit obligatoirement être ouvert à court terme à d’autres capitaux, dont le domaine territorial d’activités a été élargi à l’ensemble du pays ainsi qu’à l’étranger et dont le conseil d’administration possède de très amples pouvoirs de gestion qu’il peut exercer de manière autonome » (4).
Autre exemple, le juge français a estimé qu’un contrat par lequel, une communauté urbaine confie à une association la confection d’un plan de déplacement urbain ne constitue pas un « contrat in house » dès lors que la communauté urbaine n’exerce pas sur l’association un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services (5).
Précisions apportées par le ministère de l’Economie et des Finances
Interrogé par un parlementaire, le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (MINEFI) a apporté quelques précisions sur le cadre juridique applicable aux contrats de prestations internes (6).
– s’agissant de la condition prévoyant que la personne publique contractante exerce sur la personne publique ou privée cocontractante un contrôle comparable à celui exercé sur ses propres services, le ministère de l’Economie et des Finances considère qu’« il convient d’entendre strictement cette condition et d’en vérifier la satisfaction au cas par cas ».
– sur le plan contentieux, le juge communautaire ou national exige que la personne cocontractante ne constitue pas une entité distincte ni ne dispose d’une autonomie de décision vis-à-vis de la personne contractante. Selon le ministère, le juge « recherche ainsi la présence d’indices susceptibles de révéler l’existence de ce lien de domination, tels que la désignation par la personne publique de plus de la moitié des membres de l’organe d’administration ou de direction de l’établissement ou de la société et la détention par la personne publique de la majorité du capital ou des voix attachées aux parts de la société ».
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Notes
(1) Arrêts de la CJCE Gemeente Arnhem c/ BFI Holding BV du 10 novembre 1998 ; Teckal, 18 novembre 1999 (aff. C-107/98) ; ARGE Gewässenschutz du 7 juillet 2000 ; Stadt Halle, 11janvier 2005 (aff. C-26/03) ; Coname, 21 juillet 2005 (aff. C-231/03) ; Parking Brixen, 13 octobre 2005 (aff. C-458/03) ; ANAV, 6 avril 2006 (aff. C-410/04) ; Carbotermo ,11 mai 2006 (aff. C-340/04)
(2) Conseil d’Etat, 27 juillet 2001, 27 juillet 2001, Coopérative de consommation des adhérents de la mutuelle assurance des instituteurs de France (CAMIF)
(3) CJCE, 11 janvier 2005, Hall Stadt
(4) CJCE, 13 octobre 2005, Parking Brixen, affaire C-458/03
(5) Cour administrative d’appel de Bordeaux, 19 mars 2002 Teisseire
(6) Réponse ministérielle à la Question écrite n° 10707 du sénateur Bernas Piras, JO Sénat (Q) du 13/05/2004, page 10
Par nature, une SEM a un capital public 85 % et privé 15 %. Est-ce le capital privé qui interdit la dérogation au CMP pour ce qui concerne la mise en concurrence.
Le CJUE, 29 novembre 2012, no C-182/11, Econord SpA reprend la définition de prestations intégrées dites « in-house » (article 3-1° du Code des Marchés Publics 2004 qui est abrogé. Comment interpréter le capital privé.