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Conseil d’Etat, 7 janvier 2013, Commune de Montreuil, n° 357203

1ère et 6ème sous-sections réunies

M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur

M. Alexandre Lallet, rapporteur public

SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocat(s)

lecture du lundi 7 janvier 2013


REPUBLIQUE FRANCAISE

 AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 15 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la commune de Montreuil, représentée par son maire ; la commune de Montreuil demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1200486 du 10 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, a, à la demande de M. Manuel A, suspendu l’exécution de la décision du 19 décembre 2011 du maire de Montreuil portant préemption de l’immeuble sis 189, rue Etienne-Marcel à Montreuil ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Code de l’urbanisme ;

Vu le Code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la commune de Montreuil, et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,

– les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la commune de Montreuil, et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A ;

1. Considérant que, pour apprécier l’urgence à suspendre la décision de préemption contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, qui a expressément répondu au moyen tiré de ce que le compromis de vente signé par M. A pour le bien préempté était devenu caduc, n’était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés en défense par la commune de Montreuil à l’appui de ce moyen ; que, contrairement à ce que soutient la commune, il n’a, à cet égard, fait application d’aucune présomption d’urgence ; qu’il n’a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que la commune ne faisait état d’aucune circonstance particulière caractérisant la nécessité de réaliser immédiatement un projet d’action ou d’opération d’aménagement concernant directement le bien de M. A ;

2. Considérant qu’il résulte de l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme que la mise en oeuvre du droit de préemption urbain doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre tant aux finalités mentionnées à l’article L. 300-1 du même code qu’à un intérêt général suffisant ; que si le montant auquel le titulaire du droit de préemption se propose d’acquérir un bien préempté peut constituer l’un des éléments permettant d’apprécier si la préemption répond à de telles finalités ou à un intérêt général suffisant, le caractère insuffisant ou excessif du prix de ce bien au regard du marché est, par lui-même, sans incidence sur cette légalité ;

3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en retenant comme étant de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption litigieuse le moyen tiré de ce que, parce qu’il était très inférieur au prix de la promesse de vente signée par M. A, le prix auquel la commune de Montreuil se proposait d’acquérir la maison de M. A était entaché d’erreur manifeste d’appréciation, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a commis une erreur de droit ;

4. Considérant toutefois que le juge des référés a également retenu comme étant de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse le moyen tiré de ce qu’elle n’était pas suffisamment motivée ; que ce second motif de suspension, qui n’est pas entaché de dénaturation, suffit à justifier le dispositif de l’ordonnance attaquée ;

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montreuil n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ; que ses conclusions doivent, par suite, être rejetées, y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Montreuil le versement à M. A d’une somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

 ————–

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Montreuil est rejeté.

Article 2 : La commune de Montreuil versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montreuil et à M. Manuel A.

 

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