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Conseillers territoriaux : une réforme avortée

MillefeuilleSouvenez-vous, il y a quelques années déjà, le débat battait son plein dans les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat au sujet du « millefeuille territorial »…


En cause notamment, nos nombreux échelons administratifs locaux (régions, départements, communes, intercommunalités…), mais aussi l’existence de plus de 500 000 élus locaux français. Un record qui place la France en tête du palmarès européen (85 élus pour 10 000 habitants), suivie par l’Autriche (51 élus pour 10 000 habitants) et l’Italie (27 élus pour 10 000 habitants) (1).


Désireux de réduire le nombre de nos édiles, le Gouvernement propose alors d’instaurer des élus d’un nouveau type : les conseillers territoriaux. Ce qui fut fait, non sans heurts, avec la loi du 16 décembre 2010 (2). Destinés à siéger à la fois au conseil régional et au conseil général, quelque 3 496 conseillers territoriaux devaient ainsi remplacer nos 6 000 conseillers régionaux et conseillers généraux à l’horizon 2014. « Le conseiller territorial favorisera une meilleure articulation entre l’action des départements et celle des régions », explique à l’époque le Président de la République (3).

En décembre 2000, le législateur instaure des « conseillers territoriaux », élus locaux d’un nouveau type destinés à siéger à la fois au conseil régional et au conseil général

Reste qu’en matière d’allègement et de simplification, la montagne avait accouché d’une souris selon la plupart des observateurs. En effet, tandis que les échelons régionaux et départementaux restaient inchangés, le nombre d’élus locaux français ne se trouvait réduit que de 0,5 %… Sur le terrain pourtant, un étrange jeu de courte-paille s’engageait déjà pour savoir qui, parmi les conseillers généraux et régionaux en place, devrait laisser sa place au profit des futurs candidats aux prochaines « élections territoriales ».


Alternance présidentielle et nouvelle majorité parlementaire obligent, l’une des premières mesures annoncées aux préfets par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 31 juillet 2012, résidait dans l’abrogation de la loi instaurant le conseiller territorial (4). Celle-ci devait intervenir « dès cet automne », faisait alors savoir l’ancien maire de Nantes. Un retour au statut quo ante était donc à prévoir sans grande surprise quelques mois plus tard (5). Les conseillers territoriaux verront finalement leur acte de décès officialisé avec la loi du 17 mai 2013 (6), avant même d’avoir pu voir le jour.

Avant même d’avoir pu voir le jour, les conseillers territoriaux ont finalement vu leur acte de décès signé par la loi du 17 mai 2013

Mais cet épisode des conseillers-territoriaux « mort-nés » ne devrait pas pour autant occulter quelques interrogations essentielles. Tout d’abord, au travers de la question du nombre des élus locaux français, n’est-ce pas plutôt celle du cumul des mandats et des fonctions électives qui mériterait d’être utilement débattue ? Par ailleurs, nos 500 000 élus locaux ne constituent-ils pas en définitive la garantie d’une administration décentralisée exercée au plus près des citoyens, permettant en outre à l’Etat de réaliser de substantielles économies ? Enfin, l’épineuse question d’un éventuel « échelon en trop » sera-t-elle un jour susceptible d’être sereinement abordée dans le cadre d’un climat dépassionné ? « Ce qui coûte cher dans un millefeuille, ce n’est pas le nombre de feuilles mais la quantité de crème que l’on met dedans », rappelait encore il y a peu de temps Eric Doligé, sénateur du Loiret.


C.R.

(article mis à jour le 7 octobre 2014)

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Notes

(1) Bénédicte Halba, Pouvoirs locaux, n° 85 II/2010, page 133

(2) Article 1 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales

(3) Nicolas Sarkozy, « La réforme des collectivités territoriales, une nouvelle impulsion pour les territoires », décembre 2010

(4) Discours du Premier ministre devant les préfets, réunis place Beauvau au ministère de l’Intérieur le 31 juillet 2012

(5) Une proposition de loi a déjà été adoptée en ce sens par le Sénat le 16 novembre 2011

(6) Loi n°2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires

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