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Municipalités : vous avez dit parité ?

 

Parite

Instituée par une loi du 6 juin 2000, la parité « hommes – femmes » dans la vie politique locale a connu un important tournant en mars 2008 et enregistré une nouvelle progression à l’occasion des élections municipales de mars 2014. Reste que la parité dans l’Hexagone se heurte encore à de réelles limites.


 

 

 

 

Une lente évolution

 

La parité aux élections municipales est le fruit d’une lente évolution. Il faut en effet remonter à 1980 pour que naisse, sous la plume de Monique Pelletier, l’idée d’un « quota » de candidatures féminines visant à réserver un minimum de 20 % aux femmes aux fonctions électives. Deux ans plus tard, Yvette Roudy, alors à la tête du premier Ministère aux Droits des femmes proposera, sous l’impulsion de l’avocate Gisèle Halimi, un amendement limitant à 75 % la proportion de personnes du même sexe figurant sur une liste. Mais le Conseil constitutionnel mettra en échec cette tentative, considérant à l’époque que les principes constitutionnels s’opposaient « à toute division par catégorie des électeurs et des éligibles » (1).

 

Imaginée au début des années 1980, la parité fut dans un premier temps censurée par le Conseil constitutionnel


La loi du 6 juin 2000

Il faudra attendre une loi du 6 juin 2000 (2) pour voir la parité finalement instaurée en droit français, à quelques mois des élections municipales de mars 2001. Un texte législatif venu modifier l’article L.264 du Code électoral en instaurant une obligation paritaire pour les listes de candidats dans les communes de 3 500 habitants et plus. Pour ces listes, l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe figurant sur une liste ne pouvait alors être supérieur à un, la loi précisant par ailleurs qu’un nombre égal de candidat de chaque sexe devait figurer au sein de chaque groupe entier de six candidats. En vertu de ce système, alors baptisé du doux nom de « parité par tranches de six », trois hommes et trois femmes devaient figurer, en ordre libre, entre le 1er de liste et le 6ème de liste, le 7ème et le 12ème de liste, etc. A l’époque déjà, la mise en place de ce dispositif avait suscité quelques contentieux (3). 

 
La loi du 31 janvier 2007

Une loi du 31 janvier 2007 (4) est venue par la suite renforcer le dispositif en exigeant des candidats aux élections municipales de 2008 le respect d’une alternance stricte dans la présentation de leur liste, soit un homme, une femme, un homme, une femme, etc. Ce système, qualifié à l’époque par certains parlementaires de « listes chabadabada » en référence au film de Claude Lelouch, s’est appliqué pour la première fois en mars 2008 dans les communes comptant 3 500 habitants et plus. Pour les contrevenants, une sanction pour le moins dissuasive avait été prévue : les listes soumises à la parité ne respectant pas les règles du jeu étant tout simplement déclarées irrecevables en préfecture.


Mais le législateur de 2007 a souhaité aller plus loin encore en instaurant une obligation paritaire à l’occasion de la désignation des adjoints au maire, tout du moins dans les villes. Concrètement, depuis 2008, les adjoint(e)s au maire doivent être élu(e)s au scrutin de liste, « l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe au sein de chaque liste ne pouvant être supérieur à un ». Lors des municipales de 2008, ces nouvelles mesures ne concernaient toutefois que les communes de 3 500 habitants et plus, soit 15 % seulement des communes françaises.

 

En 2007, le législateur instaure la parité dans les fonctions exécutives lors de la désignation des adjoints


La loi du 17 mai 2013

Plus récemment, la loi du 17 mai 2013 (5) est venue élargir encore le champ d’application de la parité. En abaissant à 1 000 habitants le seuil d’application du scrutin proportionnel de liste, le législateur a introduit une parité obligatoire dans 6 550 communes de plus (à savoir celles comptant entre 1 000 et 3 500 habitants). L’occasion de féminiser un peu plus encore les conseils municipaux en y introduisant quelque 16 000 nouvelles élues mais également, autre nouveauté, de permettre à plus de femmes de pouvoir siéger au sein des instances des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

 

 

 

Une contrainte nécessaire ?

 

La coercition législative serait-elle donc devenue à ce point nécessaire pour favoriser l’insertion des femmes dans la vie politique locale ? A première vue, on pourrait le penser, tant les chiffres révélés par l’Observatoire de la Parité sont éloquents (6). Car les fonctions électives locales sont aujourd’hui essentiellement exercées par des hommes. Ainsi, sur les 474 020 sièges de conseillers municipaux que comptaient les communes françaises suite aux municipales de 2008, un peu plus de 156 000 seulement étaient occupés par des femmes, soit un pourcentage d’environ 33 %. Mais si l’on se penche d’un peu plus près sur l’évolution de ces données, l’implication des femmes dans la vie politique locale s’inscrit dans le cadre d’une progression bien réelle. La proportion des femmes dans les conseils municipaux s’élevait ainsi à 21,7 % lors des élections de juin 1995, soit près de 10 fois plus qu’en 1965 (2,4 %). Et suite aux municipales de mars 2001, dans les communes de moins de 3 500 habitants, pourtant non soumises à la loi, le pourcentage de femmes conseillères est passé de 21 % en 1995 à 30 % (contre 47,4 % dans les communes de 3 500 habitants et plus). Plus intéressant encore, la proportion de femmes maires s’avère proportionnellement plus élevée dans les communes où la parité ne s’applique pas que dans les villes où elle est obligatoire. A croire que les ruraux n’ont pas attendu la loi pour bien faire…

 

La France compte aujourd’hui 16 % de femmes maires

 

Que faut-il alors penser de la parité imposée par la loi ? Du côté des élu(e)s, par delà les clivages politiques, la question reste encore parfois sujette à débat. Certaines femmes maires ne voient pas l’intérêt d’un tel dispositif, estimant « ne pas avoir eu besoin de quota pour accéder aux fonctions ». D’autres, au contraire, considèrent qu’une telle obligation constitue un mal nécessaire pour faire avancer notre démocratie. Du côté de la gente masculine, les opinions sont aussi partagées. Certains maires estiment ainsi qu’il est normal que les femmes, qui représentent la moitié de la population du pays, figurent également pour moitié dans les instances locales (7). D’autres, à l’inverse, ont confié, avec plus ou moins de bonne foi, avoir appréhendé d’être « contraints de remercier » quelques adjoints pour laisser leur place à des femmes…

 

Mais surtout, chacun sait aujourd’hui que c’est au niveau de l’échelon intercommunal que tout se décide localement (communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles). Or, l’immense majorité des communes composant les intercommunalités se situent à un seuil bien inférieur à celui de 1 000 habitants, par définition non soumis à l’obligation paritaire. Résultat : si aujourd’hui les conseils communautaires sont composés à 34 % de femmes, plus de 92 % d’entre eux sont présidés par un homme.

 

 

Taux de femmes maires depuis les deux derniers scrutins municipaux

Taille de la commune Elections de 2008 Elections de 2014
Moins de 3 500 habitants 14,3 % 16,3 %
De 3 500 à 9 000 habitants 10,2 % 12,7 %
De 9 000 à 30 000 habitants 8,1 % 12,9 %
De 30 000 à 100 000 habitants 11,3 % 11,1 %
100 000 habitants et plus 13,5 % 14,6 %
Total 13,5 % 16,0 %

Source : Ministère de l’Intérieur, Les collectivités locales en chiffres, 2014

 


Quoi qu’il en soit, les différentes lois sur la parité semblent bel et bien avoir contribué à un réelle féminisation de nos conseils municipaux. Une tendance confortée depuis les élections de mars 2014, avec une moyenne de 16 % de femmes maires en France aujourd’hui. Reste que la féminisation des fonctions électives locales ne signifie pas pour autant féminisation des fonctions exécutives, loin de là. Un constat souligné par le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui déplore qu’« en l’absence de contraintes légales, le partage des responsabilités s’arrête aux portes du pouvoir » (8). Une réalité qui devrait sans doute changer à l’horizon des prochaines élections municipales et communautaires de 2020.


C.R.
(article mis à jour le 23 février 2018)

_________________________________
Notes
(1) Décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, résultant du rapprochement des articles 3 et 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
(2) Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
(3) CE, 25 mars 2002, Elections municipales de Case pilote, req n° 235942
(4) Loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
(5) Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires
(6) Effets directs et indirects de la loi du 6 juin 2000 : un bilan contrasté, Rapport de l’Observatoire de la Parité présenté par Marie-Jo Zimmermann, mars 2005
(7) Xavier Cadoret, maire de Saint-Gérand-le-Puy (Allier, 1 000 habitants). Lire à ce sujet « Elections municipales 2008 : regards de maires », Agnès Fernandez, Journal des Maires, 15 mai 2007.
(8) Télécharger le rapport du HCE de février 2017, « Quel partage du pouvoir entre les femmes et les hommes élu.e.s au niveau local ? »

1 commentaire pour “Municipalités : vous avez dit parité ?”

  1. rien n’oblige le conseil municipal à fixer le nombre d’adjoints à son maximum (30 % de l’effectif du CM). Par ailleurs, si la parité (à une personne près) s’applique lors de la désignation des adjoints, l’alternance stricte ne s’applique pas (donc 2-3 femmes + 2-3 hommes, peu importe l’ordre)

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