A l’heure de l’élaboration d’un Acte III de la décentralisation, nous vous proposons de suivre ici toutes les étapes de ce(s) texte(s) qui devrai(en)t marquer, ou pas, l’histoire des collectivités territoriales pour les prochaines décennies. Cette page est régulièrement mise à jour en fonction de l’actualité (dernière mise à jour le 17 novembre 2013).
« La réforme qui sera débattue reposera sur quatre principes : la confiance, la clarté, la cohérence et la démocratie », promettait le Président de la République, François Hollande, clôturant les Etats généraux de la démocratie territoriale, le 5 octobre 2012. Puis, devant le Congrès de l’Association des maires de France (AMF), en novembre 2012, les premiers contours de l’Acte III de la décentralisation ont été précisés. A l’ordre du jour dans ce cadre : aménagement numérique des territoires, renforcement des compétences économiques des régions, promotion des langues régionales, droit de pétition au niveau communal, europoles et pôles métropolitains… Autant de nouvelles mesures à combiner avec d’autres projets alors en cours : élections des élus intercommunaux au suffrage universel direct en 2014 (lire notre article), suppression des conseillers territoriaux (lire notre article), stricte limitation du cumul des mandats et des fonctions, réforme de la fiscalité locale… « Déjà prêt », selon la ministre de la Réforme de l’Etat et de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, un premier projet de loi consacrant l’Acte III de la décentralisation doit alors être présenté au Parlement au printemps 2013, soit un an avant les municipales de mars 2014 (lire notre article).
« Le projet de loi de décentralisation sera présenté en conseil des ministres au mois de mars », confirme le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, devant les membres du Gouvernement, le 3 janvier 2013. Selon l’ancien maire de Nantes, ce projet doit permettre « d’instaurer un véritable partenariat entre l’Etat et les collectivités, d’accroître l’engagement des collectivités locales, notamment des régions, au service de la compétitivité et de la croissance du pays, de simplifier l’action publique et de réaliser des économies en supprimant les doublons et en renforçant la mutualisation, et d’ouvrir une nouvelle étape pour la démocratie locale et la transparence du fonctionnement des collectivités ». Cet Acte III de la décentralisation doit surtout « renforcer l’armature urbaine de notre pays, avec la consécration du rôle des métropoles », souligne alors le Premier ministre (lire notre article).
Premières réactions optimistes
Sans attendre la présentation officielle de ce premier projet de loi en Conseil des ministres, les associations d’élus font rapidement part de leurs premières réactions. Du côté des départements, l’heure est à la confiance et à la vigilance. « Le nouvel acte de la décentralisation doit s’appuyer sur un compromis positif, respectant les spécificités de chaque collectivité afin de permettre une plus juste répartition des compétences et des moyens », déclare Claudy Lebreton, président de l’Association des départements de France (ADF).
Echo similaire du côté des régions, qui s’estiment, selon l’Association des régions de France (ARF), « prêtes à assumer les nouvelles responsabilités qui leur seront confiées en matière de formation professionnelle, d’orientation, de mise en cohérence des politiques de l’emploi au niveau territorial, d’accompagnement de la croissance des PME ».
Une attente optimiste également partagée par les représentants des intercommunalités. D’autant que l’Association des communautés de France (AdCF) mise beaucoup sur le « renforcement du dialogue et des collaborations entre régions et communautés », comme elle l’a rappelé en octobre dernier, à Biarritz, lors de sa dernière convention. « Ce que nous attendons de l’Acte III, c’est qu’il propose une architecture cohérente et simplifiée. Tout ne peut être fait en une fois mais une loi-cadre doit donner du sens et prendre date. Elle doit être audacieuse, à l’image de ce que furent les grandes lois de 1982-83. Nous sommes prêts pour ce grand rendez-vous », déclarait à cette occasion Daniel Delaveau, président de l’AdCF. En juin 2012 déjà, l’AdCF avait présenté toute une série de « propositions pour une nouvelle gouvernance des territoires et des politiques publique ».
Les maires divisés
Pour les communes en revanche, le débat semble loin d’être tranché. Villes et communes rurales seraient-elles divisées quant à leurs perspectives d’avenir ? « L’avant-projet de loi néglige le rôle et l’efficacité des communes dans la cohésion sociale et territoriale de notre pays ! », s’inquiète alors l’Association des maires de France (AMF). En outre, selon l’association présidée par Jacques Pélissard, « le transfert de nombreuses compétences et services aux intercommunalités n’est pas systématiquement gage d’économie d’échelle ». Une inquiétude partagée par l’Association des petites villes de France (APVF), qui appelle alors le gouvernement « à ne pas négliger dans son texte de loi le rôle et l’efficacité des communes dans la cohésion sociale et territoriale du pays ». L’occasion pour l’APVF de rappeler son « attachement au principe de subsidiarité comme principe d’efficacité en matière d’action publique locale ». « Le nouvel acte de décentralisation confortera la place des grandes villes et des agglomérations », se félicitent dans le même temps l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), l’Association des communautés de France (AdCF) et l’Association des communautés urbaines de France (ACUF).
Acte III, scène 6
Le 5 février 2013, une nouvelle mouture de l’avant-projet de loi sur la décentralisation est transmise au Conseil d’Etat pour examen. Il s’agit en réalité de la 6e version du texte qui devait être initialement présenté par le Gouvernement en automne 2012. D’espoirs en déceptions, de lobbying en auditions diverses, ce texte revu et corrigé comporte pas moins de 122 articles, le tout présenté sur 175 pages. Véritable inventaire à la Prévert, ce texte fait surtout la part belle aux régions, aux métropoles et aux intercommunalités. Départements et communes y trouveront-ils leur compte ? Rien de moins sûr. « A travers ce projet de loi, le Gouvernement invite le Parlement à revenir aux sources de la décentralisation », avertit d’entrée de jeu l’exposé des motifs. « La source désapprouve presque toujours l’itinéraire du fleuve », aurait commenté Jean Cocteau…
Trois projets de loi pour l’Acte III
Le 10 avril 2013, nouveau coup de théâtre avec la présentation en Conseil des ministres non pas d’un mais de trois projets de loi pour formaliser l’Acte III de la décentralisation. La grogne des élus locaux, et des maires en particulier, aurait-elle été entendue ? « A l’issue d’une concertation avec toutes les associations d’élus locaux, urbains comme ruraux, cette réforme a pour objectif d’oeuvrer au redressement de la France à partir des territoires, en facilitant la prise d’initiatives locales et en faisant confiance aux collectivités territoriales pour qu’elles concourent au retour de la croissance et de l’emploi, ainsi qu’à l’égalité des territoires », explique ainsi Marylise Lebranchu. Concrètement, le premier projet de loi concerne la « modernisation de l’action publique territoriale » ainsi que l’ »affirmation des métropoles« . Le second porte sur la « mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi » et la « promotion de l’égalité des territoires« . Le troisième, enfin, concerne pour sa part « le développement des solidarités territoriales » et « la démocratie locale« . « Il s’agit de trois projets de loi pour une seule ambition : bâtir une réforme équilibrée de la décentralisation et de l’action publique », souligne la ministre, précisant qu’il a été finalement décidé d’« échelonner l’examen de cette réforme au Parlement ».
Les ruraux montent au créneau
A peine présenté, ce nouveau projet de la ministre de la Décentralisation déclenche une levée de boucliers chez les élus ruraux, en particulier à l’Association des maires ruraux de France (AMRF). L’AMRF s’inquiète notamment de la part belle réservée dans ce projet à l’intercommunalité, en général, et aux métropoles en particulier. « Limiter l’autonomie communale, tel est le rôle des transferts aux intercommunalités des compétences sans lesquelles les communes cessent d’être des lieux de pouvoir pour devenir des opérateurs de services de proximité sous tutelle juridique et perfusion financière », considère ainsi l’association. Dans sa revue 36 000 communes du mois de mai 2013, l’association présente même cet acte III de la décentralisation comme un « acte manqué ». « L’esprit de ce texte est à l’opposé de celui de la loi de 1982 et il clairement abusif d’en faire un petit-fils de la loi Deferre », commente Pierre-Yves Collombat, premier vice-président de l’AMRF et sénateur du Var. Plus grave selon lui, ce nouveau projet procèderait « de l’idéologie managériale dominante » et poursuivrait un simple but : « réduire la dépense publique ». Et de rappeler les propos de la ministre devant les maires ruraux réunis en assemblée générale à Lyon, quelques semaines plus tôt : « Il ne s’agit pas de l’acte III de la décentralisation, mais plutôt d’un projet de réforme de l’action publique ». De quoi nourrir surtout les inquiétudes du sénateur du Var qui ne mâche pas ses mots : « Quand viendra l’heure du bilan, la probabilité la plus forte est qu’au lieu de créer une dynamique nouvelle, cette réforme, en ligotant un peu plus les collectivités territoriales en oubliant de les doter de ressources suffisantes, aura enfoncé un peu plus notre pays dans la récession ». Le premier de ces textes devrait être examiné au Sénat à partir du 27 mai.
Maxi annonce pour micro réforme ?
« C’est un très beau résultat d’une première lecture », a déclaré la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, suite à l’examen par le Sénat du projet de loi sur la décentralisation, le 6 juin dernier. Une satisfaction qui peine cependant à convaincre les partisans d’un réel Acte III, tant le texte s’est retrouvé dépouillé de la plupart de ses dispositions essentielles suite à son passage au Palais du Luxembourg. Passé à la trappe, le « pacte de gouvernance territorial », de même que les pouvoirs qu’il était prévu de confier aux « Conférences territoriales de l’action publique ». Seule réelle « avancée », la consécration des métropoles, ou plutôt celle de sept d’entre elles sur les 11 initialement prévues. La période estivale donnera-t-elle l’occasion à l’Assemblée nationale de réhabiliter le contenu d’un projet de loi qui ne brillait déjà pas par son ambition ?
La part belle aux agglomérations
Un mois après son examen au Sénat, les députés ont adopté, le 23 juillet 2013, les articles du projet de loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles. L’occasion pour la ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, et la ministre déléguée à la Décentralisation, Anne-Marie Escoffier, de saluer « les initiatives des députés ayant permis de réintroduire dans le texte les conférences territoriales de l’action publique et les conventions territoriales d’exercice concerté des compétences ». Un enjeu de taille pour le Gouvernement, qui considère que « ces outils constituent le cœur de la réforme et permettront d’organiser, de clarifier et de simplifier l’action publique territoriale ». Faisant ainsi sans équivoque la part belle aux agglomérations, ce texte prévoit que la métropole du Grand Paris sera créée dès le 1er janvier 2016. Cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à statut particulier regroupera la ville de Paris, les 123 communes des trois départements de la petite couronne ainsi que les intercommunalités et les communes limitrophes qui le souhaiteront. Le texte acte également la création des métropoles de Lyon, d’Aix-Marseille-Provence et d’une dizaine d’autres métropoles. « Ces métropoles constitueront des têtes de réseau capables d’attirer les ressources et de créer des emplois », a expliqué la ministre.
Voté en deuxième lecture au Sénat le 7 octobre 2013, le projet de loi a été renvoyé pour examen à la Commission des lois. Celle-ci devrait se pencher sur l’examen de ce texte le 27 novembre. A suivre…
C.R.
Texte du projet de loi adopté par le Sénat le 7 octobre 2013
Texte du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2013
Présentation ministérielle des trois avant-projet de loi (10 avril 2013)
Texte du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (version du 10 avril 2013)
Texte du projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires (version du 10 avril 2013)
Texte du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale (version du 10 avril 2013)
Texte de l’avant projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique (version du 11 février 2013). Télécharger.
Présentation ministérielle de l’avant projet de loi (version du 5 février 2013). Télécharger.
Texte de l’avant projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique (version du 27 novembre 2012). Télécharger.
Propositions de l’AdCF « Pour une nouvelle gouvernance des territoires et des politiques publiques », publiées dans la Gazette des communes du 1er octobre 2012. Télécharger.
Déclaration commune de l’Etat, des grandes villes et des agglomérations (30 octobre 2012). Télécharger.
Déclaration de l’Association des petites villes de France au sujet de l’avant projet de loi (16 janvier 2013). Télécharger.
Remarques et propositions de l’Association des maires de France (19 décembre 2012). Télécharger.
Déclaration de l’Association des départements de France (20 novembre 2012). Télécharger.
« Métropoles et pôles métropolitains : une menace pour les départements et les régions ? ». Lire notre article.
« Décentralisation : vers des Régions actionnaires ? », Lire notre article.
« Conseillers territoriaux : une réforme avortée ». Lire notre article.
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